De la négociation à l'intégration : l'hégémonie à l'époque hellénistique
Colloque - Paris, 21 et 22 octobre 2025
Date limite : 5 mai 2025
Ce colloque a pour objectif de contribuer à l'étude des relations politiques dans le monde grec à l'époque hellénistique, à travers la notion d'hégémonie (hègémônia). Celle-ci s'entend comme un pouvoir qui s'impose à des entités politiques sujettes. Les royaumes des Diadoques, nés de la dissolution de celui d'Alexandre, se juxtaposent à d'autres formes de pouvoirs - autres royaumes, dynasteiai, koina, poleis -, ce qui aboutit à de nouvelles relations de domination. La provincialisation progressive du monde méditerranéen transforme cette pratique du pouvoir, jusqu'à son homogénéisation sous l'Empire romain, à la suite du principat d'Auguste (27 avant notre ère - 14 de notre ère). Ces différents gradients d'hégémonie, les interactions ou les oppositions qu'ils induisent seront au cœur de ce colloque.
Il s'agira tout d'abord de mener une réflexion théorique sur la notion d'hégémonie (axe 1), puis d'en questionner la mise en place, le fonctionnement et les acteurs (axe 2). Ses manifestations concrètes à l'échelle locale seront interrogées (axe 3) avant d'aborder les luttes et les contestations dans ou entre ces hégémonies, tout comme les moyens de répression utilisés (axe 4).
Ce colloque est organisé par cinq doctorants et doctorantes de l'ED 022 « Mondes antiques et médiévaux » de Sorbonne Université et de l'UMR 8167 Orient & Méditerranée. Il se tiendra à la Maison de la Recherche (28 rue Serpente, Paris) les 21 et 22 octobre 2025.
Axe 1 : Définir l'hégémonie à l'époque hellénistique.
Arkhè, basileia, dynasteia … Le grec regorge de mots et d'expressions permettant de désigner le pouvoir et sa nature. Cette richesse lexicale est porteuse de sens : à chaque forme de pouvoir ses nuances, ses caractéristiques et donc sa désignation. Au sein de cette constellation terminologique, la notion d'hégémonie occupe une place particulière. Indissociable des représentations du pouvoir dans l'Antiquité grecque, elle en est venue à définir les jeux de pouvoir à l'œuvre à l'époque classique entre Athènes, Sparte, Thèbes et la Macédoine (G. Glotz et R. Cohen, 1936). Plus récemment d'autres études nous ont invités à questionner cette notion (Patrice Brun, 2017 ; Giulia Icardi, 2024). Le premier temps de ce colloque sera consacré à l'étude et à la définition de la notion d'hégémonie à l'époque hellénistique. Il s'agira donc d'en circonscrire le sens, le lexique et les champs d'application en confrontant cette notion aussi bien aux diverses constructions politiques hellénistiques qu'aux autres notions à notre disposition pour étudier les pratiques du pouvoir (domination, souveraineté, impérialisme, etc.). Les communications pourront donc s'interroger sur l'utilisation et l'adaptation du terme à cette époque, par qui et pourquoi. L'époque hellénistique se distinguant par le développement de nouvelles monarchies à la suite de la mort d'Alexandre, il conviendra d'étudier ces constructions politiques et les pratiques du pouvoir au prisme de la notion d'hégémonie. Il ne faudra pas pour autant oublier l'échelle civique. En effet, le développement de koina à l'époque hellénistique est également à interroger au regard de la notion d'hégémonie, entre continuité avec l'époque classique et innovations hellénistiques.
Axe 2 : Le fonctionnement de l'hégémonie : acteurs, discours et mécanismes de la sujétion.
L'hégémonie étant liée à des rapports de force complexes, sans cesse changeants, et amenant à l'instauration d'une zone d'influence aux frontières floues, il convient de s'interroger sur son fonctionnement concret. Celui-ci préside à l'établissement d'un discours officiel ou détourné du pouvoir hégémonique à l'égard des entités sujettes, comme de structures d'encadrement (tributs, garnisons, rituels, etc.) matérialisant un lien de sujétion. Les travaux de John Ma (1999) analysent ces logiques de constitution du rapport hégémonique, au prisme de la reconquête éphémère de l'Asie Mineure séleucide par Antiochos le Grand, de 216 à 188 av. J-C. Il serait judicieux d'observer si ces mécanismes se vérifient ou non, dans l'espace et dans le temps, à l'échelle du monde hellénistique. D'abord, le discours du pouvoir central ne fonctionne que s'il s'adapte aux entités sur lesquelles il revendique l'hégémonie. Or, le monde hellénistique se superpose, notamment dans l'ancien espace achéménide mais pas uniquement, à des traditions de pouvoir qui le précèdent, avec lesquelles il entre en relation et évolue par transferts culturels (Bernard Legras, Jean-Christophe Couvenhes [dir.], 2006). L'effet de cette imbrication entre traditions de pouvoir n'a commencé à être analysé qu'en ce qui concerne les évolutions de la pratique du pouvoir. Qu'en est-il à propos de la pratique de l'hégémonie ? Par ailleurs, on s'interrogera sur la façon dont le discours justifie avant tout une pratique politique, déployée à l'égard d'interlocuteurs particuliers, et s'adapte à eux en permanence. Dans quelle mesure l'hégémonie ne peut-elle se construire que par la reconnaissance du statut par ses interlocuteurs ? Cela permettra d'analyser le gradient de domination et d'intégration au sein même d'une hégémonie. Enfin, les communicants pourront s'interroger sur la façon dont l'hégémonie est ou non à l'origine de liens entre les entités sujettes, autrement que par la simple sujétion à un pouvoir central commun. On pourra s'intéresser à l'interpénétration entre cercles du pouvoir hégémonique et mondes politiques locaux et aux liens établis entre ces mondes politiques. Ivana Savalli-Lestrade a déjà proposé une prosopographie sur Les philoi royaux dans l'Asie hellénistique (1998). Il conviendra d'élargir le cadre prosopographique aux autres acteurs des interactions entre cités et pouvoirs hégémoniques de diverses natures ou entre cités.
Axe 3 : L'hégémonie en pratique : approches locales et matérielles.
Les sources littéraires ont permis d'aborder la question de l'imposition et de la perception de l'hégémonie dans l'ensemble du monde grec. Au sein d'une Méditerranée morcelée en royaumes et en koina, les cités offrent un remarquable exemple de stabilité institutionnelle. En tant qu'entité politique locale, la cité est un interlocuteur des acteurs de l'hégémonie : l'abondante correspondance que lui adressent tant les chancelleries royales que le Sénat romain en offre l'incontestable témoignage. Dans quelle mesure les structures civiques et fédérales évoluent-elles au contact des puissances hégémoniques ?
Il s'agira ici de se concentrer sur d'autres types de sources pour caractériser la réalité matérielle de l'hégémonie dans le paysage civique ou fédéral : en convoquant les sources épigraphiques, numismatiques et archéologiques, on évaluera l'importance de la présence hégémonique dans les cités ou auprès des ligues. Les communications s'appuieront sur des exemples précis pour évaluer l'expression de la domination royale ou romaine dans le paysage civique en interrogeant la nécessaire question de la propagande et de la mise en scène d'un pouvoir qui n'est pas celui de la cité. Visites, cadeaux et constructions monumentales, dédicaces et instaurations de cultes et de fêtes sont autant de moyens, pour la puissance hégémonique, de s'ancrer localement et, pour la cité ou le koinon, de capter l'attention, la bienveillance et surtout la protection de ceux qui dominent. L'étude de cette dynamique de réciprocité permettra d'interroger le poids réel de l'établissement ou du changement d'hégémonie à hauteur de la cité et de ses citoyens et la capacité de ceux-ci à exprimer, publiquement, leur allégeance ou leur indépendance.
Axe 4 : Des hégémonies contestées ? Lutter, détruire ou remplacer une hégémonie.
Les hégémonies ne durent pas éternellement. Comme toute forme de pouvoir, elles sont, plus ou moins fréquemment et violemment, remises en question. Le quatrième temps de ce colloque questionnera donc les contestations auxquelles font face les hégémonies, à l'intérieur même de leur territoire, comme dans les luttes qui les opposent à d'autres puissances. La prise de Corinthe par Aratos en 243 et l'adhésion de la cité au koinon des Achaïens en est un exemple. Elle permet ainsi de restreindre l'hégémonie antigonide dans le Péloponnèse puisque la cité accueillait auparavant une garnison macédonienne. La diplomatie ou encore la force sont des moyens de s'opposer à l'hégémonie et de contrer sa zone d'influence. Dans d'autres cas, l'opposition, négociée ou violente, peut même aboutir à la destruction de l'hégémonie. Les communications pourront donc questionner les modalités, les acteurs et les justifications de ces luttes, mais également l'échelle à laquelle elles ont lieu. Elles pourront revenir sur les procédés que met en place la puissance pour endiguer ou réprimer, avec plus ou moins de succès, ces oppositions. Les campagnes militaires sont souvent privilégiées en de telles occasions mais ces procédés peuvent aussi prendre la forme d'une surveillance accrue des entités révoltées ou soupçonnées de velléités de révoltes. Par exemple, lorsqu'Antiochos III reprend la cité de Sardes en 213 av. J-C, il confisque le gymnasion des Sardiens et le laisse à ses soldats pour y stationner, suspendant ainsi temporairement le fonctionnement d'une institution centrale de la cité. Enfin, les conséquences de ces oppositions (renforcement, délitement, destruction) pourront être abordées par les intervenants.
Bibliographie indicative :
BONNIN, Grégory et LE QUERE, Enora (dir.), Pouvoirs, îles et mer : formes et modalités de l'hégémonie dans les Cyclades, VIIe s. a.C. - IIIe s. p.C., Bordeaux, Ausonius éditions, 2014.
BRUN, Patrice, Hégémonies et sociétés dans le monde grec : inscriptions grecques de l'époque classique, Bordeaux, Ausonius éditions 2017.
BURBANK, Jane et COOPER, Frederick, Empires in world history : power and the politics of difference, Princeton, Princeton University Press, 2010.
COUVENHES, Jean-Christophe et LEGRAS, Bernard (dir.), Transferts culturels et politique dans le monde hellénistique, Actes de la table ronde sur les identités politiques, Sorbonne, 7 février 2004, Paris, Publications de la Sorbonne, 2006.
ECKSTEIN, Arthur M., Rome enters the Greek East : from anarchy to hierarchy in the Hellenistic Mediterranean, 230-170 BC, Malden, Blackwell Publishing, 2008.
ERICKSON, Kyle et RAMSEY, Gillian (dir.), Seleucid dissolution : the sinking of the anchor, Wiesbaden, Harrassowitz, 2011.
FERRARY, Jean-Louis, “L'empire de Rome et les hégémonies des cités grecques chez Polybe”, Bulletin de Correspondance Hellénique, Volume 100, livraison 1, 1976, p.283-289
GLOTZ, Gustave et COHEN, Robert, Histoire grecque, t. III : La Grèce au IVe siècle ; la lutte pour l'hégémonie (404-336), Paris, Les Presses universitaires de France, 1936.
ICARDI, Giulia, Affirmer sa puissance par la mer : la rivalité pour l'hégémonie en Grèce dans la première moitié du IVe siècle avant J.-C., Lyon, Maison de l'Orient et de la Méditerranée-Jean-Pouilloux , 2024.
MA, John, Antiochos III and the cities of Western Asia Minor, Oxford, Oxford University Press, 1999.
MAREK, Christian, Rom und der Orient : Reiche, Götter, Könige, Munich, C.H. Beck, 2023.
SAVALLI-LESTRADE, Ivana, Les philoi royaux dans l'Asie hellénistique, Genève, Droz, 1998.
SCHOLTEN, Joseph, The politics of plunder : Aitolians and their koinon in the early Hellenistic era, 279-217 BC, Berkeley, University of California Press, 2000.
Conditions de soumission
Limite de dépôt des propositions : lundi 5 mai 2025
Modalité de dépôt des propositions : Fichier Word et PDF contenant :
la présentation du chercheur (nom et prénom, rattachement institutionnel, nom du ou des directeurs / directrices de recherche pour les doctorants),
le titre et le résumé de la proposition (350 mots maximum).
Les propositions devront être soumises en Times New Roman, 12, justifié.
Les propositions en anglais sont acceptées.
Adresse de contact : colloque.hegemonie.su[at]gmail.com
Le colloque pourra faire l'objet d'une publication.
Comité scientifique :
Manon Courtois, doctorante en Histoire antique (Sorbonne Université)
Hadrien Dutheil, doctorant en Histoire grecque (Sorbonne Université)
Félix Enault, doctorant en Histoire grecque (Sorbonne Université)
Julie Escalé, doctorante en Histoire grecque (Sorbonne Université)
Patrice Hamon, Professeur de littérature et civilisation grecques (Sorbonne Université)
François Lefèvre, Professeur d'histoire grecque (Sorbonne Université)
Marie-Christine Marcellesi, Professeure d'histoire grecque (Sorbonne Université)
Pierre Zuliani, doctorant en Histoire grecque (Sorbonne Université)
Lieu de la manifestation : Maison de la recherche - Paris
Organisation : Manon Courtois, Hadrien Dutheil, Félix Enault, Julie Escalé, Pierre Zuliani
Contact : colloque-hegemonie.su[at]gmail.com
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