Journée d'études : Droit et littérature dans la littérature latine antique
Université de Tours, 26-27 mai 2025
Date limite : 15 mars 2025
Avec le droit, les Romains ont fondé une science juridique : savoir spécialisé, le langage du droit est toutefois aussi un domaine familier pour les citoyens romains, à travers tout l'Empire, au point qu'on peut parler de « culture juridique globale » (Michèle Ducos, Rome et le droit, Le Livre de Poche, Paris, 1996 ; Soazick Kerneis, Une histoire juridique de l'Occident. Le droit et la coutume (IIIe-IXe siècle), Paris, PUF, 2018). Cette langue spécifique du droit, avec des expressions, des archaïsmes et des tournures propres, associée à des types de raisonnements particuliers, s'est constituée progressivement grâce aux jurisconsultes mais aussi par des pratiques populaires.
La présence capitale du droit dans la culture latine comme dans l'éducation, de la République jusqu'à la fin de l'Empire (Elisa Romano, « Effigies antiquitatis. Per una storia della persistenza delle Dodici Tavole nella cultura romana », dans Michel Humbert (éd.), Le Dodici Tavole. Dai Decemviri agli Umanisti, Pavie, IUSS Press, p.451-479; Carla Masi Doria, Poesia e diritto romano, Naples, Jovene, 2018) , explique son influence considérable sur la littérature latine. La présence du droit dans la littérature latine antique a ainsi été soulignée dans de nombreuses études : dans la comédie (Michèle Ducos, « Justice et droit dans le Rudens », dans Bénédicte Delignon, Sabine Luciani et Pascale Paré-Rey (éd.), Une journée à Cyrène : lecture du Rudens de Plaute, Cahiers du GITA 18, Montpellier, 2011), la satire (Rachele Hassan, La poesia e il diritto in Orazio. Tra autore e pubblico, Jovene, Naples, 2014) mais également l'élégie (Ulrich C. J. Gebhardt, Sermo Iuris : Rechtssprache und Recht in der augusteischen Dichtung, Leyde, Brill, Mnemosyne, 2009), la philosophie (Michèle Ducos, « La réflexion sur le droit pénal dans l'œuvre de Sénèque », Helmántica, 44, 1993, p. 443-456), ou encore l'épistolaire (J. W. Tellegen, The Roman Law of Succession in the Letters of Pliny the Younger, Zutphen, 1982) et l'historiographie (St. Tomulescu, « La valeur juridique de l'Histoire de Tite-Live », Labeo 21, 1975, p. 295-321). Ces études restent toutefois souvent ponctuelles, s'attachant à étudier la présence du droit chez un auteur ou dans un genre littéraire particulier. Dans le cadre de cette journée d'études, notre objectif sera, à travers une approche diachronique de la présence du droit dans la littérature latine, de nous interroger sur la façon dont le droit et les savoirs juridiques peuvent donner forme à l'écriture littéraire des auteurs latins antiques.
Une attention sera ainsi portée, tout d'abord, sur la formation et la culture juridique des auteurs latins, telles qu'elles transparaissent dans leurs œuvres. On pourra ainsi se demander quelles formes du droit intéressent particulièrement les écrivains (droits du citoyen, droit familial, droit de propriété, droit international, etc), comment la procédure du droit (déroulement d'un procès, peines) peut servir de matériau à l'écriture, ou encore quelles sont les figures de juristes qui apparaissent dans leurs écrits. La réflexion spécifique des juristes sur les origines et sur le passé pourra éclairer, de même, le travail de Virgile dans l'Énéide (Rachele Hassan, « Tradizione giuridica antica e ideologia augustea. Il catalogo dei dannati nel Tartaro virgiliano (Aen. 6. 608-614) », dans Bernardo Santalucia (éd.), La repressione criminale nella Roma repubblicana fra norma e persuasione, Pavie, 2009, p.493-510) ou d'Ovide dans les Fastes. De quel droit (contemporain de l'auteur ; droit associé au passé ; fiction - Philippe Ségur, “Droit et littérature. Éléments pour la recherche”, Droit et littérature 1, 2017, p.109-123) est-il question ?
Un deuxième axe de réflexion portera sur les formes et usages du matériau juridique dans l'écriture des auteurs : sous quelles formes (citation, mention, anecdote, saynète, commentaire ; lexique, syntaxe, etc) et à quels effets la langue juridique et ses pratiques interviennent-elles dans les textes littéraires antiques, et quelle sélection opèrent-elles dans les savoirs juridiques ? Le savoir juridique peut par exemple être utilisé à des fins d'autorité ou, comme chez Horace, lorsqu'il devient phraséologie, de parodie, se mettant au service d'une polémique contre l'archaïsme (Oliviero Diliberto, « Un carmen necessarium (Cic. Leg. II 59). Apprendimento e conoscenza della legge delle XII Tavole nel I sec. a.C », dans Mario Citroni (éd.), Letteratura e civitas, Transizioni dalla Repubblica all'Impero. In ricordo di Emanuele Narducci, Pise, Edizioni ETS, 2012, p.141-162, en particulier p.152-155.); il peut également accentuer une tonalité pathétique et se mettre ainsi au service de la construction d'un exemplum, chez les historiens (Jean-Paul Brisson, « Mythe, histoire et droit dans le “procès” d'Horace (Tite-Live, I, XXVI) », dans Marcel Renard et Pierre Laurens (éd.), Hommages à Henry Bardon, Bruxelles, Latomus, 1985, p. 47-69).
Enfin, nous nous demanderons si l'on peut discerner des évolutions et des ruptures dans cette présence de l'écriture juridique, entre le IIIe siècle av. J.-C. et le Ve siècle ap. J.-C. : ainsi, la loi des XII Tables, apprise par cœur jusqu'à Cicéron, a cessé de l'être, chez les élèves de la fin de la République, ce qui induit une réorientation du rapport au droit, qui n'est plus mnémotechnique (Oliviero Diliberto, op. cit., p.159-160). De même, on pourra prendre en considérant la rupture méthodologique mise en œuvre au Ie siècle av. J.-C. par Servius Sulpicius Rufus, ami de Cicéron, avec l'introduction de la pratique de la diérèse aristotélicienne chez les juristes (Kalb Wilhelm, Das Juristlatein, Das Juristlatein. Versuch einer Charakteristik auf Grundlage der Digesten, Aalen, Scientia, 2e édition, 1961 ; Vincenzo Scarano Ussani, L'ars dei giuristi. Considerazioni sullo statuto epistemologico della giurisprudenza Romana, Turin, G. Giappichelli, 1997 ; David Daube, Roman law : Linguistic, social and philosophical aspects, Édinbourg, Edinburgh University Press, 1969 ; Dario Mantovani, Les juristes écrivains de la Rome antique, Les œuvres des juristes comme littérature, Paris, Collège de France, Les Belles Lettres, 2018 ; plus largement, Gérard Cornu, Linguistique juridique, Paris, Montchrestine, 1990.)
Les propositions de communication, sous la forme d'un résumé de 150 à 300 mots, sont attendues d'ici le samedi 15 mars 2025, aux adresses suivantes : euler[at]phare.normalesup.org et marine.miquel[at]univ-tours.fr.
L'hébergement et les repas des intervenants seront pris en charge par l'organisation de la journée d'études.
Organisation: Cécile Margelidon, Marine Miquel
Lieu de la manifestation: université de Tours
Lieu de la manifestation : université de Tours
Organisation : Cécile Margelidon, Marine Miquel
Contact : euler[at]phare.normalesup.org,marine.miquel[at]univ-tours.fr.
< Précédent | Suivant > |
---|