Le prophète situé dans le monde

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Le prophète situé dans le monde

Oracle et divination face au besoin d'avenir

Seconde journée d'études interdisciplinaire, ENS de Lyon, vendredi 6 juin 2025

Appel à contributions
Date limite : 24/03/2025


Les sociétés humaines projettent dans l'avenir leurs désirs et leurs besoins, lesquels sont aussi variés que l'avenir est imprévisible. La constitution de discours sur l'avenir individuel et collectif se fonde sur ces désirs et besoins. Pourtant, ces discours prophétiques et leur mode de transmission ne partagent pas nécessairement le même contexte énonciatif. Par exemple, Alexandre le Grand fonde Alexandrie sur un passage de l'Odyssée venu à lui en rêve, tandis que la postérité cosmopolite de la cité lui est confirmée grâce à une interprétation par ses devins (Plutarque, Vie d'Alexandre 26). Les mondes intérieur du rêve et extérieur de l'augure font osciller les médiateurs de ces signes, rêveur et devins, entre autorités politique et divinatoire. Or, ce récit écrit sous hégémonie romaine s'inscrit aussi dans une stratégie de légitimation de la geste du conquérant macédonien par un pouvoir impérial dont l'ambition cosmopolitique s'étend à tout le monde connu. Un tel récit montre alors combien entre en cause la possibilité d'un dialogue entre les niveaux d'interprétation des signes divinatoires à différentes époques. Dans quelle mesure les catégories de pensée de la prophétie s'articulent-elles à l'horizon humain des sociétés qui la reçoivent ? L'articulation entre l'individu et le collectif dans le discours d'avenir relève-t-elle d'une conception religieuse ou philosophique propre à ces sociétés ? Le récit qui restitue les sources du discours prophétique, au gré de réécritures, résulte-t-il d'un donné historique toujours situé ou maintient-il des invariants anthropologiques sur la conception et la représentation de l'avenir ? Le discours prophétique se fonde sur un rapport particulier au fait de vouloir connaître l'avenir, redouté ou espéré, en fonction de la portée de son accomplissement, qui peut s'étendre jusqu'aux fins dernières dans l'eschatologie chrétienne. Ce rapport tient sa particularité à l'incertitude de pouvoir agir dans ou sur l'avenir, au risque d'empêcher toute entreprise. Ce rapport reste incertain tant que subsiste le problème de devoir croire au discours prophétique sans avoir l'avenir en regard. Ces trois catégories et leur mode d'être gagneront à être interrogés plus avant.

Dans la continuité de la première journée d'étude organisée par le laboratoire jeune AINIGMA (l'Avenir à Interpréter, ImaGiner et Méditer dans l'Antiquité), nous souhaitons poursuivre la réflexion sur ces nouveaux éléments au cours d'une seconde journée d'études interdisciplinaire qui se tiendra à l'ENS de Lyon. Voici les axes que cette journée d'études envisage d'aborder : - la dialectique entre la temporalité individuelle et le discours prophétique, entre le sentiment d'urgence présente et l'attente imposée pour pouvoir obtenir une interprétation de l'avenir puis la vérifier. - l'interaction entre les différents acteurs de la divination et de l'oracle dans l'espace public, qu'ils appartiennent à l'histoire ou relèvent de la fiction, du mythe et de la littérature ; une attention particulière sera portée au statut socio-politique de ces acteurs. - l'évolution du rapport aux prophéties et aux oracles, du monde polythéiste antique au monde chrétien médiéval, et leurs recompositions au gré des sociétés qui les reçoivent ; un intérêt plus précis sera prêté aux recontextualisations des sources passées par leurs divers passeurs depuis la fin de l'Antiquité. - au croisement de ces trois axes, une attention particulière sera portée aux modalités de la parole oraculaire, à la manière dont le besoin d'avenir informe le discours à son sujet, du point de vue stylistique, linguistique et narratologique ; notamment l'effet du discours sur l'avenir au regard de sa cause dans l'énonciation. - l'enjeu plus général d'adéquation entre le régime d'historicité d'une société et les discours oraculaires et prophétiques qu'elle véhicule ; l'adaptation de la prophétie ou de l'oracle aux temps historiques.
N.B. Les travaux de cette journée d'études prennent pour point de départ le monde antique ainsi que sa postérité du Moyen-Âge jusqu'à l'époque contemporaine. Nous encourageons vivement les propositions venues de jeunes chercheurs et chercheuses en doctorat ou post-doctorat.
Les propositions de communication, d'une longueur d'environ 2000 signes, seront à envoyer accompagnées d'un bref CV pour le lundi 24 mars 2025, conjointement à :
Julien Lagalle – julien.lagalle[at]etu.unicaen.fr Etienne Pittoni – etienne.pittoni[at]ens-lyon.fr Valentin Poncet – valentin.poncetav[at]gmail.com
Bibliographie indicative :
ANNUS Amar, Francesca ROCHBERG et James V. ALLEN, Divination and interpretation of signs in the ancient world, Chicago, Oriental Institute of the University of Chicago, 2010. BACHELARD Gaston, L'air et les songes : essai sur l'imagination du mouvement, Paris, Librairie José Corti, 1943 BUJON Anne-Loraine, Où sont les prophètes ?, Paris, Revue Esprit, n°431, janvier 2017. CASTORIADIS Cornelius, L'Institution imaginaire de la société, Paris, Seuil, 1975. DRIEDIGER-MURPHY Lindsay G. et Esther EIDINOW, Ancient divination and experience, Oxford, University Press, 2019. DURAND Gilbert, Les structures anthropologiques de l'imaginaire : introduction à l'archétypologie générale, Paris, P.U.F., 1963 FARTZOFF Michel, Élisabeth SMADJA et Évelyne GENY (éd.), Pouvoir des hommes, signes des dieux dans le monde antique, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2002. GEORGOUDI Stella, Renée KOCH PIETTRE et Francis SCHMIDT, La raison des signes : présages, rites, destin dans les sociétés de la Méditerranée ancienne, Leiden, Brill, 2012. GUITTARD Charles, Carmen et prophéties à Rome, Turnhout, Brepols, 2007. HARTOG François, Chronos : l'Occident aux prises avec le temps, Paris, Gallimard, 2024. KANY-TURPIN José (éd.), Signe et prédiction dans l'Antiquité : actes du colloque international interdisciplinaire de Créteil et de Paris, 22-23-24 mai 2003, Saint-Etienne, Presses Universitaires, 2005. MANETTI Giovanni, Theories of the sign in classical antiquity, Christine Richardson (trad.), Bloomington, Indiana University Press, 1993. RICŒUR Paul, Temps et récit, Paris, Seuil, 3 vol., 1991. SANTANGELO Federico, Divination, prediction and the end of the Roman Republic, Cambridge, University Press, 2013. VERNANT Jean-Pierre, Léon VANDERMEERSCH et Jacques GERNET, Divination et rationalité, Paris, Seuil, 1974.

 

Lieu de la manifestation : ENS de Lyon
Organisation : Julien Lagalle, Etienne Pittoni, Valentin Poncet
Contact : etienne.pittoni[at]ens-lyon.fr

Source : Fabula