Louis Autin, Sur les lèvres de la foule. Sociologie politique des rumeurs et écriture de l'histoire chez Tacite, Bordeaux, 2025.
Éditeur : Ausonius Éditions
Collection : Scripta Antiqua
538 pages
ISBN : 978-2-35613-622-0
30 €
Rumeurs, ragots et commérages constituaient une part importante de la vie des sociétés anciennes, dans un monde non encore été transformé en profondeur par l'imprimerie, la presse et les médias contemporains. Menée dans un souci constant de dialogue entre littérature et histoire (que les Anciens ne concevaient d'ailleurs pas comme opposées), cette enquête propose de prendre au sérieux ces paroles ailées qui, dans le monde romain, couraient sans cesse sur les lèvres de la foule.
Il s'agit d'abord de comprendre quelles pratiques sociales étaient recouvertes par ce que les sources désignent comme “rumeurs” (rumor, fama…). Les biais évidents d'une documentation avant tout littéraire et aristocratique n'empêchent pas de mobiliser les outils de la sociologie politique pour proposer une lecture interactionniste des ragots, aussi bien dans le cadre urbain que dans les camps militaires. Cette méthode conduit à dessiner les contours des pratiques sociales du commérage, ici envisagées au prisme des temporalités et des lieux où elles s'inscrivaient, puis à la lumière des réseaux de sociabilités qui leur servaient de support. Les rumeurs constituaient l'une des facettes d'une culture politique populaire, dont les élites romaines avaient à se méfier et qu'elles ne négligeaient jamais, en particulier lorsque ces paroles informelles portaient sur les affaires publiques ou que, dans le partage de l'information, les circuits alternatifs entraient en tension avec les nouvelles officielles.
Les rumeurs étaient aussi des objets littéraires très appréciés des auteurs anciens, qui savaient en tirer toute sorte d'effets narratifs, pathétiques ou dramatiques. Forte de ce constat, la deuxième partie de l'ouvrage se concentre sur l'œuvre de Tacite, qui a brossé un tableau de la société impériale remarquable par le nombre, la richesse et la diversité des rumeurs qu'il contient. Sans jamais considérer les rumeurs tacitéennes comme de simples artefacts rhétoriques, nous observons d'abord comment celles-ci participent à la construction du texte (approche narratologique), puis les manières dont elles dessinent, dans le filigrane du récit, une forme de contre-histoire chorale, faite d'impressions et d'émotions, indépendante de la stricte analyse de la causalité historique, et toujours dégagée de la responsabilité énonciative de l'historien.
Source : Ausonius éditions
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